Biodiversité menacée par des espèces invasives: INPLANT a mené l’enquête

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Publié le 15 mai 2020

Ce vendredi 22 mai, nous célébrons la journée internationale de la biodiversité. Ces dernières semaines, la diminution de nos activités semble avoir donné par endroits un peu de répit à la faune et à la flore. Mais, depuis plusieurs décennies et plus encore ces dernières années, la biodiversité décline à un rythme alarmant.

L’IPBES (Plateforme intergouvernementale scientifique et politique sur la biodiversité et les services écosystémiques) a publié en 2019 le premier rapport d’évaluation mondiale de la biodiversité et des services écosystémiques. Ses conclusions sont éloquentes :

  • Le taux mondial d'extinction des espèces est "des dizaines voire des centaines de fois plus élevé que la moyenne sur les 10 millions d’années écoulées"…
  • "L’abondance moyenne des espèces autochtones dans la plupart des grands biomes terrestres a chuté d’au moins 20 %."
  • Pour les groupes taxonomiques les mieux étudiés, la proportion d’espèces menacées d’extinction est estimée à 25 % en moyenne.
  • Par extrapolation, cela suggère que, "sur environ 8 millions d’espèces animales et végétales (dont 75 % sont des insectes), environ 1 million sont menacées d’extinction", dont "beaucoup dans les décennies à venir, à moins que des mesures ne soient prises pour réduire l'intensité des facteurs à l’origine de la perte de biodiversité".
L’activité humaine menace d’extinction globale un nombre d’espèces sans précédent... Il n’est pas trop tard pour agir, mais seulement si nous commençons à le faire maintenant à tous les niveaux, du local au mondial.

Rapport de la Plateforme intergouvernementale sur la biodiversité et les services écosystémiques (IPBES, 2019)

Parmi les facteurs directs, les principaux sont la modification de l’utilisation des terres et des mers, l’exploitation directe des organismes, les changements climatiques et la pollution.

Mais, à côté de ces causes manifestes, une cinquième est peut-être moins connue du grand public : les espèces exotiques envahissantes. Ce sont ces dernières qui ont été mises sous la loupe du projet STEREO INPLANT.

Pourquoi étudier les invasions par les espèces exotiques ?

Les espèces exotiques envahissantes constituent une menace grandissante pour la biodiversité et le fonctionnement des écosystèmes terrestres. Leur nombre a augmenté d’environ 70 % depuis 1970 dans la vingtaine de pays pour lesquels des données détaillées sont disponibles. Elles pourraient donc mettre en péril les services que la nature fournit à la société, avec des conséquences de grande envergure pour la santé humaine et l'économie.

Impatiens glandulifera
Solidago gigantea

L’équipe du projet INPLANT a mené l’enquête pour essayer de répondre à toutes les interrogations concernant ces espèces végétales exotiques qui, après avoir été introduites accidentellement ou délibérément, ont conquis de grandes parties de l'Europe au cours des dernières décennies : de quelles espèces s’agit-il, quand et où se sont-elles implantées, pourquoi ces invasions se produisent et surtout comment ?

Pourquoi et comment, les questions principales

Une liste noire qui répertorie les espèces actuellement considérées comme envahissantes existe déjà et de nombreuses recherches en Ecologie ont permis de déterminer les facteurs favorisant l'implantation de certaines espèces exotiques. Par ailleurs, de nombreux spécialistes en télédétection se sont concentrés sur les méthodes permettant de détecter où elles se développent.

Cependant, les questions de savoir pourquoi ces espèces exotiques se propagent et comment elles affectent le fonctionnement des écosystèmes envahis restent largement sans réponse. Les chercheurs du projet INPLANT ont cherché à développer et à appliquer des outils permettant de répondre à ces questions.

Quelles pistes pour étudier les invasions?

Comme point de départ, les chercheurs du projet se sont basés sur le potentiel des données de télédétection hyperspectrale pour mieux comprendre les conséquences et les mécanismes sous-jacents des invasions végétales. Le lien entre la réflectance et le fonctionnement des écosystèmes ne s’appuie pas simplement sur les relations phénoménologiques mais surtout sur les caractéristiques biochimiques et structurelles de la végétation. Ces caractéristiques sont également appelées "caractères fonctionnels" et sont considérées par les écologistes comme les variables essentielles d'une communauté végétale qui déterminent son fonctionnement et sa santé.

Prévision de la teneur en chlorophylle à partir d'une image hyperspectrale APEX

Le projet INPLANT a démontré qu’il était possible d’étendre l’étude de la dynamique des écosystèmes au-delà du cadre traditionnel de l'écologie fonctionnelle, en intégrant les données spectrales optiques et en utilisant les traits fonctionnels récupérés comme variables essentielles de la communauté végétale. Les recherches se sont concentrées sur deux espèces exotiques fonctionnellement distinctes et envahissantes en Belgique : une annuelle, la Balsamine de l’Himalya (ou Balsamine géante) Impatiens glandulifera Royle et une vivace rhizomateuse, le Solidage glabre ou Verge d'or géante Solidago gigantea.

Quels résultats ?

Le projet a débouché sur plusieurs avancées importantes :

  • Un résumé des connaissances concernant la capacité des capteurs hyperspectraux actuels et les méthodes pour estimer plusieurs caractéristiques clé des écosystèmes de prairies a été établi et publié dans une revue de la littérature mondiale ;
  • Une nouvelle procédure pour mesurer la réflectance d’espèces individuelles herbacées in situ a été développée et évaluée ;
  • Les données sur les caractéristiques spectrales et fonctionnelles obtenues durant le projet ont été stockées dans les bases de données TRY et ECOSIS;
  • Les caractères fonctionnels récupérés ont révélé les voies d'impact de l'invasion : I. glandulifera et S. gigantea ont modifié la biomasse aérienne, la stabilisation de la litière et le phosphore disponible dans le sol par des effets de sélection (empêchant ainsi les espèces indigènes de survivre), plutôt que par une diminution de la diversité fonctionnelle de la communauté.

Plus d'informations:

Journée internationale de la biodiversité

Le dangereux déclin de la nature : Un taux d’extinction des espèces sans précédent et qui s’accélère

Projet STEREO INPLANT