L'observation de la Terre et les données communautaires documentent les inégalités thermiques dans les zones d’habitat informel

#Webstory, #STEREO, #Milieux urbains, #Changements climatiques

Publié le 23 septembre 2025

Nous sommes fin de matinée et la chaleur s'accumule dans les rues des quartiers informels de Nairobi, réchauffant les murs et s’installant pour une longue durée à hauteur de respiration. Le changement climatique est souvent décrit par des moyennes mondiales, mais ses effets se font sentir localement, et varient d’une rue à l’autre, d’une maison à l’autre. Dans les quartiers informels aux toits métalliques et aux ruelles étroites, la chaleur frappe fort: les tôles absorbent l'énergie solaire, réfléchissent la lumière du soleil sur les surfaces adjacentes et renvoient la chaleur emmagasinée dans l'air. Ces effets combinés transforment les ruelles, coincées entre des murs serrés, en couloirs irradiant la chaleur et amplifiant le stress thermique des habitants. Pourtant, les thermomètres de référence qui guident les politiques reflètent rarement ces réalités. Les stations météorologiques sont généralement situées sur les pelouses des aéroports ou sur les campus universitaires, loin des toits métalliques et des rues enfumées des quartiers densément construits. Les capteurs thermiques des satellites aident à analyser les inégalités thermiques, mais mesurent la température de surface, et non celle de l'air – la température ressentie par un enfant en allant à l'école. Si nous ne mesurons pas la chaleur réellement ressentie, nous sous-estimons le risque.

Mesurer et modéliser la température de l'air dans les quartiers informels.

Dans le cadre du projet ONEKANA, nous avons développé une méthode évolutive et applicable à toutes les villes qui permet de mesurer et modéliser la température de l'air dans les quartiers informels, à l'aide d'enquêtes de terrain et de données satellitaires. En collaboration avec les élus locaux, nous avons conçu des itinéraires pédestres traversant des espaces communautaires essentiels tels que les points d'eau, les écoles, les marchés, les cliniques et les passages piétons exposés à la chaleur. Les habitants ont ensuite mené des campagnes de deux heures, aux heures les plus chaudes de la journée, à l'aide de capteurs de température peu coûteux fixés sur des poteaux en bois pour enregistrer la température de l'air le long de ces itinéraires. Ces mesures au sol ont été combinées à des prédicteurs issus de l'imagerie satellitaire (par exemple, ECOSTRESS LST, albédo, indices spectraux dérivés de Sentinel-2) et à des mesures d'empreinte des bâtiments, dans un modèle d'apprentissage automatique afin de cartographier la température de l'air dans ces quartiers.

Figure 1: Une jeune fille se rend à l’école dans une zone d’habitat informel de Nairobi.
 
Où la chaleur est-elle la plus accablante et qui est le plus exposé ?

La cartographie de la température de l'air ne suffit pas à elle seule à éclairer la situation. Comprendre le risque de chaleur nécessite également de connaître les variations de sensibilité au sein des agglomérations : où la chaleur est-elle la plus accablante et qui est le plus exposé ? Pour ce faire, nous avons co-conçu avec les responsables communautaires des micro-enquêtes auprès des ménages afin de recenser les matériaux de construction (toit, plafond, murs), les difficultés liées à la chaleur (inconfort, manque de sommeil), la surpopulation dans les logements, les moyens de protection (ventilation naturelle, ventilateurs) et l'accès aux services de base (eau potable, électricité, gestion des déchets, soins de santé). Les résidents ont encodé leurs réponses à l'aide d'une application mobile. Nous avons ensuite entraîné des modèles d'apprentissage automatique à prédire un indice de sensibilité pour tous les sites, en étendant les estimations au-delà des sites étudiés grâce aux images satellites fournies par  Sentinel-2 et à d'autres prédicteurs géospatiaux.

Figure 2: Mesures de terrain de la température à Nairobi. 
 
Cartographie de la répartition géographique de la population

Afin de quantifier les zones où les habitants sont à la fois fortement exposés et les plus sensibles à la chaleur, nous avons cartographié la répartition de la population dans les agglomérations à l'aide d'un modèle d'apprentissage profond basé sur des images satellite PlanetScope et des données d'enquêtes communautaires. Nous avons ensuite combiné ces cartes de population avec des couches de température de l'air et de sensibilité thermique afin de localiser les zones les plus à risque. 

Figure 3: Carte de densité de la population dans les zones d’habitat informel 

 

Partager les résultats avec la population locale

Des mesures d'atténuation ont été définies lors d'un atelier réunissant des représentants des communautés, des ONG, des urbanistes, des responsables municipaux et des universitaires. Les résultats du projet ont été partagés afin de susciter un débat sur des adaptations réalisables, peu coûteuses et portées par la communauté. Les participants ont proposé des actions ciblées telles que : planter des arbres et installer des auvents pour réduire la chaleur de l'après-midi ; peindre et isoler les toitures métalliques les plus chaudes et les plus réfléchissantes ; améliorer la ventilation des habitations et des salles communautaires grâce à des aérations en toiture et des courants d’air, tout en garantissant la sécurité ; ombrager les points d'eau, les files d'attente des cliniques et les aires de jeux ; et créer de petits points de rafraîchissement avec alimentation de secours pour les groupes vulnérables dans les zones où la chaleur persiste.

Figure 4 : Atelier avec les parties prenantes

 
En conclusion...

La modélisation des variations locales de chaleur grâce à la télédétection et aux données fournies par les collectivités change la donne. Le problème n'est plus abstrait, mais visible sous forme de points chauds qui appellent à l'action. En générant et en partageant des données probantes, nous souhaitons contribuer à orienter la prochaine série d'interventions. À l'échelle des quartiers, l'action climatique devient concrète : rendre les logements habitables, rafraîchir les rues et planifier en plaçant les communautés les plus touchées au cœur de nos préoccupations.  

 

 

Partenaires du projet

ULB: Eléonore Wolff - Sabine Vanhuysse - Stefanos Georganos - Angela Abascal

ITC: Monika Kuffer - Jon Wang

Université de Navarre: Sally Sampson

 

Pour plus d'information