Publié le 23 février 2021
Depuis toujours, les terres fertiles au pied des volcans ont attiré les populations en dépit des dangers d’éruption. En 2015, on estimait à plus d’1 milliard le nombre de personnes habitant dans un rayon de 100 km d’un volcan actif et donc potentiellement exposées au risque volcanique. Près de 60 millions de personnes vivraient dans un rayon d'évacuation potentiel (10 km).
Pour protéger ces populations, il est crucial de parvenir à modéliser les volcans et à détecter le plus tôt possible d'éventuels signaux précurseurs afin d’anticiper les événements destructeurs et de prendre toutes les mesures préventives nécessaires.
Déformations sous surveillance
Cela implique de disposer de mesures très précises des changements topographiques induits par des déformations du sol. Le défi qui se présente aux chercheurs est le suivant : comment obtenir des mesures locales continues et fiables dans une topographie aussi abrupte ?
Phase interférométrique calculée à partir de deux acquisitions au-dessus du volcan Copahue (15- 26/12/2014)
L'interférométrie par radar à synthèse d’ouverture (InSAR ou Interferometric Synthetic Aperture Radar) obtenue à partir de données satellitaires est depuis longtemps utilisée pour les mesures topographiques ou de déplacement relatif, mais l’obtention de mesures continues sur toute la scène est toujours un challenge.
Principe général de l’InSARL’image satellitaire radar fournit pour chaque pixel deux informations : l’amplitude et la phase. L’amplitude caractérise la réflectivité de la surface imagée et la phase caractérise l’état vibratoire de l’onde à son retour au capteur, état qui dépend en partie du temps de trajet aller-retour de l’onde. Lorsqu’une cible est observée à deux reprises, sur un intervalle de temps réduit, il est possible de déterminer un éventuel déplacement relatif de celle-ci en évaluant la différence de phase entre les deux images acquises dans des conditions similaires. |
Découper les bandes pour mieux voir
Dans le cadre entre autres d’un précédent projet STEREO, Vi-X, le Centre Spatial de Liège (CSL) a développé une nouvelle technique qui s'est révélée puissante pour effectuer des mesures absolues de hauteur et de déplacement. Cette technique, au doux nom de Split Band Interferometry (SBInSAR) ou interférométrie par radar à synthèse d'ouverture à bande fractionnée, permet d’obtenir des résultats plus précis grâce à un processus de découpage en sous-bandes de la bande spectrale (en général relativement large) des capteurs satellitaires SAR. Ce processus, également appelé Multi Chromatic Analysis (MCA), équivaut à la réalisation d'une analyse spectrale des images SAR.
Interférogramme et phase “Split-Band” sur le volcan Nyiragongo (données TanDEM-X 21/07/2012): zoom sur le cratère.
De Goma à la Cordillère des Andes
L’objectif du projet STEREO III MUZUBI était d’évaluer et de quantifier les avantages, les limites et l'applicabilité de la méthode pour les capteurs SAR disponibles. Pour y répondre, l’idée de l’équipe, composée de chercheurs du CSL, du Musée royal de l’Afrique centrale (MRAC) et du Musée national d’histoire naturelle de Luxembourg et European Center for Geodynamics and Seismology (MNHN/ECGS), était d’appliquer la technique à deux zones volcaniques actives : la zone des volcans Nyiragongo et Nyamulagira en République Démocratique du Congo et le volcan Copahue situé dans la Cordillère des Andes à la frontière entre l’Argentine et le Chili. La méthode a été adaptée à des données spécifiques de la constellation allemande de satellites jumeaux TanDEM-X.
Une étude détaillée des limites de la méthode a donc été réalisée, par comparaison entre différents capteurs ayant des largeurs de bande de fréquences et des modes d'acquisition différents, à savoir Sentinel-1, Cosmo-SkyMed, TerraSAR-X et Tandem-X, et différents types de cibles (la ville de Cologne, le monolithe d’Uluru en Australie, les volcans Nyamulagira et Copahue et la région des Virunga).
Des résultats encourageants
Les résultats obtenus ont permis de démontrer la valeur ajoutée de la technique SBInSAR lorsqu’elle est combinée aux techniques classiques pour extraire des mesures de hauteur absolue et de déplacements du sol. Plus particulièrement, ces résultats ont mis en évidence la puissance de la méthode pour le successeur attendu de TANDEM-X, le système High Resolution Wide Swath (HRWS) SAR.
Cratère et lac de lave
Dans le même temps, les chercheurs du MRAC et du ECGS ont utilisé d'autres méthodes, initiées dans le cadre d’un autre projet STEREO, le projet RESIST, pour évaluer et mesurer les changements de niveau du lac de lave et les changements morphologiques du cratère du volcan Nyiragongo, y compris la montée rapide de son fond : SAR shadowing, UAV photogrammetry et Multidimensional Small Baseline Subset (MSBAS).
Déformation du sol mesurée avec la méthode MSBAS [Samsonov et d'Oreye 2012 ; 2017] pour un pixel situé au fond du cratère du Nyiragongo (données Radarsat). :. En fond: vitesse dans la direction de la ligne de visée, superposée sur l’image en amplitude.
Plus d'infos
Projet STEREO MUZUBI (MUlti Zone phase Unwrapping using advanced Split Band Interferometry)
Projet STEREO RESIST (REmote Sensing and In Situ detection and Tracking of geohazards)
Projet STEREO Vi-X (Study and monitoring of Virunga volcanoes using Tandem-X)