Publié le 4 juin 2020
Mieux comprendre et modéliser les cycles de l’eau et du carbone au niveau global sont des enjeux fondamentaux pour améliorer durablement notre environnement.
En cette journée mondiale de l’environnement, jetons un coup de projecteur sur le projet STEREO STR3S dont les résultats permettront sans aucun doute d’améliorer la connaissance des interactions climat-végétation. Ou plutôt, laissons la fluorescence des végétaux nous éclairer sur le fonctionnement des écosystèmes. Car il s’agit bien de mesurer la fluorescence de la chlorophylle, ce rayonnement subtil que les végétaux émettent lorsqu'ils sont photosynthétiquement actifs.
Lorsque les végétaux ne sont pas soumis à un stress, leurs réactions photosynthétiques émettent en effet un léger rayonnement de longueurs d'onde comprises entre le rouge et le proche infrarouge, la fluorescence. Elle est généralement négligée car elle est submergée par la réflexion de la lumière du soleil sur les plantes.
Des stomates aux sécheresses
Les feuilles des végétaux sont pourvues de minuscules orifices, appelées stomates. Leur ouverture permet l’absorption du CO2 nécessaire à la photosynthèse. Simultanément, l'eau contenue dans les feuilles est perdue par évaporation dans l'atmosphère par un processus appelé transpiration.
La quantité totale d'eau rejetée dans l'atmosphère par la transpiration des végétaux est extrêmement importante. A l'échelle globale, les volumes d’eau ainsi ‘perdus’ sont plus importants que l’ensemble des volumes d'eau qui s'écoulent des rivières dans les océans. Nous mettons des guillemets à ‘perdus’ car ces flux d’eau sont tout sauf inutiles. La transpiration a des fonctions fondamentales, tant à l'échelle des végétaux qu’à l'échelle mondiale.
Pour les végétaux, la transpiration assure le transfert des nutriments du sol vers les feuilles. Elle agit également comme un climatiseur lorsqu'ils subissent des températures élevées. À plus grande échelle, la transpiration refroidit l'environnement et peut être à l’origine de la formation de nuages et de pluie. De plus, des études récentes indiquent que la transpiration affecte le développement de périodes de sécheresse et de chaleur, même à des centaines de kilomètres de distance.
Fluorescence et cycle de l’eau
Il est fondamental de mieux cerner le processus de la transpiration afin d’améliorer notre compréhension de la dynamique du cycle de l’eau au niveau global. Cependant, un problème important freine le progrès scientifique : la transpiration est un processus invisible qui ne peut être détecté depuis l'espace et qui est donc méconnu au niveau global.
Les récents progrès en télédétection de la photosynthèse ont apporté un nouvel espoir dans ce domaine. La photosynthèse peut maintenant être directement mesurée grâce à des observations par satellite de la fluorescence de la chlorophylle, enregistrée par des capteurs très spécifiques.
Comme la transpiration et la photosynthèse sont synchronisées, est-il possible d’extraire également de ces observations de fluorescence des données sur la transpiration ? Cette question a été le point central du projet STEREO d’exploration STR3S.
Les chercheurs de ce projet ambitieux ont donc étudié les potentialités des signaux de fluorescence observés par les satellites pour estimer la transpiration. Ils se sont concentrés particulièrement sur les écosystèmes soumis à un stress de sécheresse pour lesquels la compréhension des réponses de transpiration est cruciale pour la survie des plantes.
Les résultats obtenus ont permis de démontrer qu’il existe un lien empirique fort entre les signaux de fluorescence détectés depuis l'espace et la transpiration. Grâce à un modèle avancé imitant les processus biologiques des végétaux, la relation mécaniste entre la transpiration et la fluorescence des végétaux a été étudiée en profondeur. Les résultats indiquent que cette relation est principalement régulée par la température de l'air. La variabilité de la température aide en effet à expliquer les volumes d'eau perdus dans l'atmosphère lorsqu'un signal de fluorescence d'une intensité spécifique est observé.
Le projet STR3S a également mis en évidence les lacunes dans la représentation de la transpiration par les modèles climatiques actuels. Ces lacunes pourraient être comblées dans un avenir proche grâce au lancement de satellites et capteurs permettant de mesurer la fluorescence depuis l'espace et de générer des estimations précises de la transpiration à grande échelle. Cela sera utile pour de multiples applications, allant de la prévisibilité accrue des extrêmes climatiques à la quantification des besoins d'irrigation dans les systèmes de production alimentaire, ou à la gestion des ressources en eau pendant les sécheresses.