SWIPE: Détecter les rejets d’hydrocarbures dans les zones portuaires

#Webstory, #STEREO, #Mers & Oceans, #Eau, #Pollution

Publié le 12 décembre 2024

Nous savons malheureusement tous ce qu’est une marée noire ; les images d’énormes nappes de pétrole déversées en mer et s’approchant de précieuses zones côtières sont imprimées dans nos mémoires. La télédétection est utilisée depuis longtemps et avec un succès grandissant afin d’améliorer leur détection. Mais quelles techniques utiliser pour la détection des rejets d’hydrocarbures en zones portuaires, moins étendus mais beaucoup plus fréquents?  Le projet SWIPE a tenté de répondre à cette question.

Pollutions sournoises

Depuis une dizaine d’années, des efforts de recherche intensifs basés sur des méthodes de télédétection ont été consacrés à la détection des marées noires en milieu marin. Divers capteurs, méthodes et caractéristiques spectrales ont été étudié·es et identifié·es comme approprié·es pour détecter la pollution par les hydrocarbures. Cependant, la grande majorité des articles scientifiques publiés sur ce sujet se réfèrent à des accidents, parfois très médiatisés, survenus en pleine mer, soit sur des plateformes d'extraction de pétrole, soit sur des navires-citernes.

Les déversements d'hydrocarbures dans les ports, eux, n'attirent en général pas l'attention du public. Ils sont en effet beaucoup moins étendus mais en revanche ils se produisent à une fréquence relativement élevée.

Outre leurs effets néfastes sur les écosystèmes, ces déversements perturbent les activités portuaires, entraînant des pertes financières, et exposent la population à des composés pétroliers volatils ayant des effets négatifs sur la santé humaine. Il est donc indispensable de se doter d’outils spécifiques permettant leur détection précoce.  Malgré ce constat, ce sujet n’a pas fait l'objet d'études approfondies dans la littérature.

Des outils adaptés à l’environnement portuaire

Pour garantir une intervention rapide en cas de déversement d'hydrocarbures, les autorités portuaires ont besoin de méthodes fiables pour surveiller la surface de l'eau et détecter la présence d'un tel déversement.
Bon nombre des méthodes disponibles pour détecter les rejets d'hydrocarbures ne sont malheureusement pas applicables aux environnements portuaires. En effet

  • le pétrole déversé dans les ports est généralement du pétrole traité et non du pétrole brut ;
  • les capteurs SWIR sont moins sensibles aux fines couches de pétrole, comme celles que l’on retrouve dans les ports ;
  • l'applicabilité des données à faible résolution (satellite) est limitée en raison de la multitude d'objets et d'activités dans les ports ;
  • la détection active basée sur les lasers n'est pas recommandée dans les ports ; elle y est en effet plus risquée en raison de leur poids et de leur taille.

A la recherche d'une solution de surveillance adaptée aux environnements portuaires, légère et applicable à l'échelle locale, l’équipe du projet SWIPE (SWIR and drones for early detection of oil spills in ports) s’est attachée à identifier les capteurs et les méthodes susceptibles d’être utilisé·es en toute sécurité pour la détection des déversements d’hydrocarbures dans les ports au moyen de plateformes mobiles telles que les drones et les navires. Les chercheur·euses ont exploré différentes manières de relever ces défis en se basant sur des capteurs SWIR, RGB et UV.

Déversement d'hydrocarbures dans le port d'Anvers-Bruges observé par une caméra RVB (à gauche) et par une caméra UV (à droite). Le rectangle vert indique un panneau de référence utilisé pour assurer la fiabilité des données.

RGB ou UV?

Un modèle physique a été développé pour estimer l'épaisseur et le volume des rejets d'hydrocarbures sur la base de la réflectance dans les domaines du visible et de l’Infrarouge  . Cette solution, appropriée lorsque l'épaisseur de la couche est supérieure à 200 µm, donne les meilleurs résultats pour l'huile hydraulique. Un modèle d'apprentissage profond (deep learning) spécifique a également été développé pour déduire l'étendue des nappes d'hydrocarbures. Celui-ci a donné de bons résultats pour les huiles hydrauliques, les huiles de lubrification et les carburants lorsqu'il est associé à des vidéos RGB. Cependant, pour une épaisseur d'huile inférieure à 500 µm, le modèle s'est avéré peu performant. Or, les hydrocarbures déversés dans les environnements portuaires ont souvent une épaisseur beaucoup plus faible.

Une nouvelle voie a donc été explorée : l'utilisation de caméras à ultraviolets (UV). L'imagerie UV s'est avérée présenter un contraste pertinent entre le pétrole et l'eau pour les déversements de pétrole brut, mais elle n'a pas été testée pour le pétrole transformé.

Une caméra UV sensible aux longueurs d'onde inférieures à 400 nm a été utilisée dans un double scénario :

  • expériences contrôlées ;
  • acquisition de données réelles d'un navire actif dans le port d'Anvers-Bruges.

Dans les deux cas, des comparaisons avec les caméras RGB ont été effectuées. Les expériences contrôlées ont révélé que les caméras UV permettent une meilleure discrimination entre l'huile et l'eau que les caméras RGB dans divers scénarios (différents types d'huile, angles de vue et conditions atmosphériques). En outre, les images UV sont beaucoup moins affectées par les influences du fond marin et permettent d'observer les marées noires sous n'importe quel angle de vue, alors que les images RGB sont fortement influencées par les conditions spécifiques d'acquisition des données.
Une fois les expériences contrôlées terminées, la caméra a été montée sur le navire PROGRESS dans le port d'Anvers-Bruges et a acquis des images précieuses pendant trois mois (de mars à mai 2024). Les données ainsi récoltées ont confirmé que la caméra UV était plus efficace que la caméra RGB pour distinguer les zones de pétrole et d'eau, et ont permis de définir une procédure automatisée pour adapter les réglages de la caméra aux conditions environnementales afin d'obtenir des performances optimales.

Illustration de la séparabilité des classes. L'écart entre les modes eau et hydrocarbure est plus important dans l'image UV (à droite) que dans l'image 'Blue' (à gauche). Une classe de pixels noirs est introduite pour traiter les valeurs de faible intensité et seules les zones d'eau et d'hydrocarbures sont prises en compte.

Un projet pionnier aux nombreuses implications

En conclusion, SWIPE s’est avéré être un projet pionnier qui a prouvé avec succès la faisabilité de l'utilisation de caméras UV passives légères pour la détection des déversements d'hydrocarbures dans les environnements portuaires. Les avancées du projet en matière de méthodes de détection et de surveillance des déversements d'hydrocarbures ont des implications positives dans de multiples domaines :

  • sur le plan financier, en réduisant les délais d'intervention et, par conséquent, l'impact financier de l'interruption des activités portuaires ;
  • sur le plan environnemental, en limitant l'impact néfaste du déversement sur les écosystèmes ;
  • sur le plan sociétal, en réduisant l'exposition des personnes vivant et travaillant dans le port à des composés pétroliers nocifs dont il a été démontré qu'ils affectaient la santé humaine à long terme.

Voir STEREO project SWIPE involved in world-first drone network over Antwerp port area

Plus d’infos

Projet STEREO SWIPE (SWIR and drones for early detection of oil spills in ports)

STEREO project SWIPE involved in world-first drone network over Antwerp port area