Le pergélisol ou permafrost est défini comme “un sol qui reste à une température inférieure ou égale à 0°C pendant plus de deux ans”. La température moyenne annuelle est le facteur qui détermine l’existence du permafrost. Dans les régions couvertes par le permafrost, seuls les 30 à 100 premiers centimètres du sol (appelés “couche active”) dégèlent chaque été avant de regeler complètement en hiver. L’épaisseur du permafrost varie de quelques mètres à plus de 150 mètres selon les régions.

Le permafrost se forme dans les régions où la température moyenne annuelle de l’air au sol est inférieure à 0°C. Des exceptions existent cependant dans certaines forêts aux hivers très humides comme au nord de la Scandinavie ou au nord de la Russie (à l’ouest de l’Oural), où la neige qui couvre le sol dès l’automne joue le rôle d’isolant thermique et empêche la formation d’un permafrost malgré une température moyenne annuelle négative. Le permafrost recouvre actuellement 20 % des terres émergées du globe (25 millions de km²) et 25 % de l’hémisphère Nord. Comme le montre la figure ci-dessous, l’extension du permafrost sur le continent asiatique est très importante.

Etendue du permafrost dans l'hémisphère Nord - Source: UNEP 

Etendue du permafrost en Asie (en rouge foncé, le permafrost est continu,
les teintes plus claires dénotent des zones de plus en plus discontinues) - Source: Atlas of the Cryosphere

Qu'est-il en train d'arriver au permafrost ?

Les mesures de température du permafrost, effectuées dans différentes régions septentrionales, montrent une nette tendance au réchauffement au cours de ces 30 dernières années. La température du sol suit, en fait, la tendance au réchauffement de la température de l’air, avec un effet plus marqué aux basses latitudes (entre 55° et 65° Nord). La ceinture de permafrost qui entoure l’océan arctique au Canada, en Sibérie et en Alaska pourrait même se réchauffer 3 fois plus vite que prévu, étant donné la rapidité avec laquelle la glace de ce même océan fond. En effet, plus la surface couverte par les glaces est petite, moins les rayons du soleil sont réfléchis et plus la chaleur est absorbée.

Quelles sont les conséquences de ce dégel ?

L’augmentation de température du permafrost change plusieurs de ses propriétés physiques avec un impact négatif direct sur les infrastructures humaines (déconsolidation du sol).

Le dégel du permafrost peut également mettre en péril la biodiversité de ces régions. De par son influence sur la température et l’humidité du sol, sur l’épaisseur de la couche active, sur la présence d’eau non gelée et sur l’hydrologie de surface, le permafrost influe fortement sur les végétaux et la production de biomasse. Les changements actuels dans le régime thermique du permafrost et dans l’épaisseur de la couche active représentent un réel danger pour les végétaux et la biomasse dans toutes les régions concernées.

A plus long terme, la disparition du permafrost favorisera également le drainage des eaux de surface (particulièrement dans les sols sableux), ce qui entraînera une augmentation de la sécheresse des sols et un manque d’humidité pour la végétation. Un plus grand drainage des eaux conduira aussi à la réduction du nombre d’étangs et de leur surface, affectant ainsi très fortement les écosystèmes aquatiques.

Un dernier effet, mais non des moindres, du dégel du permafrost pourrait être l’aggravation du réchauffement climatique suite à la libération en très grandes quantités des gaz emprisonnés dans la glace, notamment le méthane, un puissant gaz à effet de serre.

Erosion côtière d’un pergélisol le long des côtes de la mer de Beaufort (Drew Point, 2004). La hauteur de la falaise est de 3 à 4 m. Les vagues entaillent le permafrost et provoquent l’affaissement de blocs (au centre de la photo). Source: USGS

La fonte du permafrost déstabilise le sol et donc les constructions, Dawson,Yukon. Source: University of Iowa, Department of Geoscience

 

Du méthane libéré en quantité

Au niveau des océans

La question suivante inquiète les climatologues: qu’adviendrait-il si les gaz stockés dans le fond de l’océan arctique (et maintenus dans les fonds marins sous forme de blocs de glaces et de méthane grâce aux températures négatives et à la très forte pression) devenaient instables et étaient ensuite libérés dans l’atmosphère ?

Puisque le méthane est un gaz à effet de serre 20 fois plus puissant que le CO2, le résultat serait une accélération drastique du réchauffement climatique. Jusqu’à très récemment, cette possibilité était théorique, soit un avertissement des scientifiques d’un phénomène qui pourrait se produire. Maintenant, il semble plus que probable que cela se produira.

Les scientifiques russes ont démontré que les premières étapes du dégel du permafrost sous l’océan arctique sont en cours. Ils ont étudié la plus grande plateforme sous-marine du monde, le long des côtes sibériennes. Dans le permafrost, situé au fond de cette mer à 200 mètres de profondeur, d'énormes stocks de gaz dorment dans des couches de sédiments gelés.

La quantité de carbone contenue dans ces blocs de glace et de méthane est estimée à 540 milliards de tonnes. Ces gaz sous-marins étaient jusqu’à présent considérés comme stables mais le permafrost devient par endroits poreux et la plateforme sous-marine est déjà devenue une source d’émission de méthane dans l’atmosphère.

Si tout ce permafrost sibérien venait à dégeler, les concentrations de méthane contenu dans l’atmosphère serait multipliées par 12 et le réchauffement climatique serait catastrophique.

C’est dans le cadre d’une campagne de mesures menée durant l’été sibérien que les scientifiques russes ont ainsi pu montrer la perte de solidité des fonds marins. Ils ont également découvert que l’eau de mer, à cet endroit, est sursaturée en méthane soluble et que le taux de gaz à effet de serre contenu dans l’atmosphère est, par endroits, 5 fois supérieur aux valeurs normales. Des vols en hélicoptères au-dessus du delta de la rivière Lena ont aussi permis de mesurer des concentrations en méthane très importantes, et ce, à des altitudes aussi élevées que 1 800 mètres.

Au niveau des lacs

Une étude récente de deux lacs sibériens a révélé que les zones humides de ces régions sont une source potentielle de méthane plus importante que ce qui avait été estimé jusqu’à présent. Il est primordial de comprendre comment les lacs du nord de la Sibérie contribuent à la libération du méthane dans l’atmosphère car la concentration de ce puissant gaz à effet de serre, qui est la plus élevée à cette latitude, a fortement augmenté au cours des dernières décennies et présente également un important saut saisonnier.

L’étude a montré que le permafrost qui dégèle sur les bords des lacs gelés (qui représentent 90 % des lacs présents sur le permafrost russe) est la première source de libération de méthane dans la région. Une analyse isotopique qui permet de déterminer l’âge et l’origine du méthane, couplée à des mesures de composition des bulles s’échappant des lacs, ont aussi démontré que l’expansion de ces lacs entre 1974 et 2000, période de réchauffement climatique dans la région, a entraîné une augmentation des émissions de méthane de 58 %. Comme le méthane émis actuellement dans la zone d’étude date du Pléistocène (époque comprise entre 1,8 millions d’années et 11 500 ans), il semble clair que le réchauffement climatique a mené à la libération de vieux stocks de carbone emprisonnés dans le permafrost depuis très longtemps.

Sources

Arctic thaw threatens Siberian permafrost
A Storehouse of Greenhouse Gases Is Opening in Siberia
How rapidly is permafrost changing and what are the impacts of these changes?
Geological survey of Canada
Greenhouse Gas Bubbling from Melting Permafrost Feeds Climate Warming at Much Higher Than Expected Rates
Wikipedia

Liens

All about Frozen grounds - The National Snow and Ice Data Center
Frozen Grounds - Global Outlook for Ice and Snow - UNEP
Spring Thaw on North Slope and Frozen Ground: An Interview with Permafrost Expert


Cette page a été rédigée en 2009, comme complément d'information à la série de posters "10 years of Imaging the Earth"