Publié le 16 février 2024
La surveillance de l’évolution de la couche d’ozone, ainsi d’ailleurs que d’autres gaz atmosphériques, est cruciale. Malgré les mesures prises depuis plus de 35 ans pour la protéger, il faudra encore quelques dizaines d’années avant que le trou d’ozone au niveau de l’Antarctique ne se reconstitue. La mission ALTIUS, initiée par la Belgique, assurera dès 2026 la continuité de ces observations essentielles.
Une reconstitution très lente
Les plus âgés se souviendront aisément du battage médiatique qui a suivi la découverte, dans les années ‘80, d’un trou dans la couche d'ozone. Les scientifiques tiraient la sonnette d’alarme : nos activités humaines, en l’occurrence l’émission dans l’atmosphère de gaz utilisés dans les systèmes réfrigérants et les aérosols depuis les années ‘30, provoquaient la destruction du bouclier protecteur de la vie sur Terre.
Cette découverte a ouvert les yeux du monde sur les effets globaux de l'activité humaine sur l'atmosphère. En réaction, la communauté internationale a rapidement décidé d'arrêter progressivement la production des produits chimiques incriminés, les chlorofluorocarbones (CFC) et d’autres substances comme les halons, en adoptant dès 1987 le protocole de Montréal.
Malgré les mesures d’interdiction, le trou d’ozone est toujours bien présent, même si l’attention des médias s’est aujourd’hui déplacée vers d’autres effets des activités humaines. Le processus de reconstitution s’est en effet révélé très lent, ce qui s’explique notamment par le fait que les CFC et les halons peuvent persister dans l’atmosphère pendant plusieurs dizaines d’années. Ainsi, les experts estiment que le trou au-dessus de l’Antarctique ne devrait se refermer qu’entre 2050 et 2060.
Qu’est-ce que le trou dans la couche d’ozone ?Environ 90% de l’ozone (O3) atmosphérique total se situe dans la stratosphère, c’est-à-dire la couche atmosphérique qui s’étend entre environ 10 km et 50 km d’altitude. Cet ozone stratosphérique est communément appelé « couche d’ozone » et constitue un véritable écran entre la Terre et le Soleil. En absorbant la plus grande partie du rayonnement ultraviolet (UV) du Soleil, elle protège toute vie sur Terre des effets néfastes (effets mutagènes pour les végétaux et animaux par altération de l’ADN) d’une exposition excessive à ces rayonnements de courtes longueurs d’onde.Le "trou d'ozone" n'est bien sûr pas un véritable "trou" dans l'atmosphère. Il désigne une zone de la taille d’un continent située au-dessus de l'Antarctique, où la couche d'ozone s'amincit considérablement à chaque printemps austral. En cause, des substances comme les CFC, qui sont pour la plupart inertes dans la basse atmosphère, mais qui, à plus haute altitude, sont décomposés sous l'effet des UV en halogènes (chlore et brome) très réactifs qui catalysent la destruction de l’ozone. Au pôle Sud, les températures très basses atteintes dans la nuit polaire créent les conditions nécessaires à la formation de nuages à haute altitude, où la conversion des CFC est encore plus efficace. Le phénomène est également renforcé par ce que l’on appelle le vortex polaire qui isole la zone et empêche le remplacement de l’ozone détruit par de l’ozone provenant du nord de l’Antarctique. |
Assurer la continuité des observations
La destruction de la couche d’ozone a été observée pour la première fois par un instrument au sol basé en Antarctique, au début des années '80, puis confirmée par des observations satellitaires, grâce à l’instrument TOMS (Total Ozone Mapping Spectrometer).
Depuis plus de 40 ans, plusieurs instruments satellitaires ont permis l’observation de la distribution spatiale des composants atmosphériques. C’est le cas notamment de l'instrument TROPOMI, un spectromètre imageur couvrant les bandes de longueur d'onde entre l'ultraviolet et les ondes courtes et embarqué à bord du satellite Sentinel-5P développé par l'Agence spatiale européenne (ESA) pour la Commission européenne.
Ces instruments jouent un rôle crucial car ils constituent un moyen indépendant et constant de surveiller l’évolution de la couche d'ozone, alors que les mesures in situ sur un continent comme l'Antarctique sont vraiment compliquées et coûteuses.
Compte tenu de la taille du trou d'ozone, les satellites présentent également le grand avantage de couvrir quotidiennement de vastes zones de la Terre, alors que les mesures in situ ne sont que ponctuelles. Ils permettent également la surveillance à différentes altitudes des variations de l’ozone et d’autres gaz dans l’atmosphère.
Cependant, la plupart de ces instruments satellitaires sont en fin de vie ou ne tirent pas parti des dernières évolutions technologiques. Dans un avenir proche, on risque bien d’être confrontés à une pénurie d’instruments qui mettrait à mal la continuité des observations.
La mission ALTIUS, belge et innovante
Conscient du fait qu’il est essentiel d’assurer cette continuité, le groupe "Limb Sounding" de l’Institut Royal Belge d'Aéronomie Spatiale (BIRA-IASB ) a initié le développement scientifique d'un instrument appelé ALTIUS (Atmospheric Limb Tracker for the Investigation of the Upcoming Stratosphere). Après plusieurs années de préparation et de discussions avec l'ESA, l'équipe a convaincu BELSPO d’en soutenir le développement.
En 2016, la Belgique et l'ESA ont décidé de lancer la construction du satellite en tant que mission « Earth-Watch », ce qui signifie que les données opérationnelles sur l'ozone fournies par l’instrument seront rendues accessibles à la communauté des utilisateurs dans les 3 heures suivant les mesures.
Pourquoi ALTIUS est innovant?
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ALTIUS est financé à 94 % par la Belgique, avec des contributions du Canada, du Luxembourg et de la Roumanie. Les différentes composantes de la mission sont actuellement en cours de développement et les partenaires belges jouent un rôle crucial. Le satellite est conçu et construit par un consortium d'entreprises sous la direction de Redwire Space (Anvers). OIP Sensor Systems (Oudenaarde) est le maître d'œuvre de l'instrument. Le segment sol pour le traitement des données est développé par un consortium sous la direction de Spacebel (Liège et Hoeilaart).
Le lancement d'ALTIUS est prévu pour 2026 ; nous ne manquerons évidemment pas de vous tenir au courant lorsque le satellite sera opérationnel.
Martine De Mazière, directrice de l'IASB, présentant l’Institut Royal Belge d'Aéronomie Spatiale au Roi. Crédit: Pierre Gerard (BIRA-IASB)
Emmanuel Dekemper, scientifique de l'IASB, explique au Roi l’importance de la mission spatiale ALTIUS pour la surveillance de la couche d’ozone. Crédit: Pierre Gerard (BIRA-IASB)
Une attention royale
L'équipe ALTIUS du BIRA-IASB est également très occupée par le développement d'algorithmes et de chaînes de traitement capables de traduire les informations transmises par le satellite au centre de traitement en données utiles pour les utilisateurs finaux. C'est l'essentiel de l'exploitation scientifique de la mission qui relève de la responsabilité du BIRA-IASB. Emmanuel Dekemper, aujourd'hui à la tête de l'équipe ALTIUS, a récemment eu la chance de présenter la mission ALTIUS à Sa Majesté le Roi Philippe de Belgique qui visitait les installations du BIRA-IASB.
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