Publié le 11 février 2022
Monika Kuffer est professeure adjointe à la faculté des sciences de l'information géographique et de l'observation de la Terre de l'université de Twente. Elle est également partenaire internationale du projet STEREO SLUMAP (Remote Sensing for Slum Mapping and Characterization in sub-Saharan African Cities), dont l'objectif est de développer un cadre open-source permettant le traitement d'images de télédétection pour cartographier et caractériser l'environnement physique au sein des bidonvilles.
Un article consacré à son travail vient d'être publié sur le site de l'Université de Twente.
L'objectif global du projet STEREO SLUMAP est de contribuer à l'Objectif de Développement Durable 11 "Rendre les villes et les établissements humains inclusifs, sûrs, résilients et durables" en (i) améliorant notre compréhension du potentiel de la télédétection pour la détection et la caractérisation des bidonvilles et (ii) en développant un cadre méthodologique général, évolutif et open-source pour l'Afrique subsaharienne, pour soutenir cette tâche et répondre aux exigences des parties prenantes à l'ère du big data.
Une ville de 39 millions d'habitants
"Selon les Nations unies, 90 % de la croissance démographique des 30 prochaines années se produira dans les pays du Sud", déclare Monika Kuffer. "Par exemple, la population de l'agglomération urbaine de New Delhi, en Inde, pourrait atteindre 39 millions d'habitants en 2030, c'est-à-dire plus que la population de l'Océanie actuellement. Une telle situation serait extrêmement difficile pour New Delhi et toutes ces autres villes composées de nombreux quartiers défavorisés, caractérisés par des logements précaires, un accès quasi inexistant aux différents services et un manque d'infrastructures. Il en résulte de mauvaises conditions de vie et une faible espérance de vie." Monika Kuffer préfère utiliser le terme 'quartiers défavorisés' plutôt que celui de bidonvilles. Les habitants de ces quartiers sont confrontés à d'autres problèmes que l'approvisionnement en eau, le manque d'équipements sanitaires, le surpeuplement, les conditions de logement et le régime foncier. Ils souffrent également de la forte densité des zones bâties et doivent faire face à de nombreux risques.
Cartographier les déchets
Monika Kuffer a beaucoup travaillé dans les villes africaines et connaît bien la situation sur place. "60 % des habitants de Nairobi, au Kenya, vivent dans des installations précaires, qui représentent environ 5 % de la zone bâtie. Ce sont des zones surpeuplées qui présentent de nombreux problèmes environnementaux et sociaux. Nous avons cartographié la concentration des déchets dans quelques quartiers de Nairobi. Ces données ont permis de convaincre les autorités locales de prendre en charge le nettoyage des déchets. Le problème est que les gouvernements fondent leurs politiques sur des estimations approximatives et des statistiques anciennes. On manque cruellement de données précises, parce qu'il est difficile d'accéder aux bidonvilles densément peuplés et parce que les villes de ce type changent très rapidement."
Slumdog Millionaire
Des données fiables sont essentielles pour la planification urbaine et la prise de décision. Monika Kuffer et ses collègues veulent combler ce manque de données en utilisant des images satellitaires. L'objectif de la recherche, pour laquelle une bourse Veni a été attribuée, est de construire des modèles spatiaux, basés sur l'observation de la Terre.
Des données erronées
Les décideurs des pays en développement fondent leurs politiques et leurs planifications urbaines sur des ensembles de données erronées, négligeant ainsi de nombreuses personnes vivant dans des zones défavorisées. Monika Kuffer et ses collègues de l'ITC travaillent avec les communautés locales pour déterminer combien de personnes vivent réellement sur place. "Ces groupes et leurs problèmes sont systématiquement ignorés dans les ensembles de données existants. Ils ne sont pas entendus avec leurs problèmes. Je veux construire de meilleurs modèles et ensembles de données qui combinent les données mondiales et les données communautaires, afin de mettre en lumière les problèmes locaux et renforcer la voix des populations locales. Surtout en Afrique, où les lacunes en matière de données sont énormes et où le nombre de petites villes (secondaires) augmente très rapidement."
L'importance de l'éducationMonika Kuffer donne des cours d'observation de la Terre aux étudiants de l'ITC. Elle a également développé un programme sur les villes compétitives pour le cours Urbanisme et gestion urbaine. "Les gens pensent souvent aux aspects économiques des villes, mais je me concentre sur la compétitivité dans le sens de l'inclusivité. Les villes qui manquent d'éducation, d'infrastructures et de services pour les populations urbaines défavorisées seront perdantes au bout du compte." L'éducation est importante pour Monika Kuffer. "La recherche ne peut exister sans l'éducation, et vice versa. J'utilise les résultats des recherches pour mes cours, mais j'utilise aussi les idées des étudiants pour mes recherches. C'est un écosystème important, un cercle de vie." |
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Lire l'article original:
Mapping the deprived areas - Dr Monika Kuffer