VERSUS : Observer l’intérieur des volcans grâce à la télédétection

#Webstory, #STEREO, #Volcans, #Afrique

Publié le 17 mars 2023

L’observation par satellites est devenue une technique essentielle pour étudier et suivre les volcans. Cette approche est en effet très complémentaire des techniques traditionnelles de suivi opérées depuis le sol et même primordiale dans les cas de volcans difficilement accessibles. Les processus volcaniques – émission de gaz, cendres et lave, rayonnements thermiques, changements topographiques, déformations du sol – peuvent même être mesurés avec une grande précision grâce aux images satellites. De plus, les dernières initiatives et innovations dans le domaine comme le programme COPERNICUS de l’Union européenne et la constellation de cubesats de Planet Labs offrent de nouvelles opportunités d’encore améliorer le suivi des volcans par télédétection.

Depuis 2006, la Politique scientifique fédérale (BELSPO) a financé de nombreux projets de recherche dans le but d’étudier, à l’aide des images satellites, des volcans actifs et les risques qui y sont associés. Le projet VERSUS (de type “Spin-off” et financé par le programme STEREO-III entre 2019-2022) a capitalisé sur cet héritage en développant des techniques de pointe, qui utilisent des nouvelles générations de satellites et de capteurs, pour l’étude des volcans actifs et plus particulièrement leur caractéristique la plus fascinante : les lacs de lave.

Photo du lac de lave du Nyiragongo (photo © B. Smets)

Photo du lac de lave du Nyiragongo (photo © B. Smets)

Un lac de lave est un bassin de lave connecté, via un conduit ouvert, à un réservoir magmatique situé dans la croûte terrestre. La lave reste en fusion par sa température élevée et le brassage provoqué par la remontée continue de gaz volcaniques. Quand les lacs de lave se maintiennent pendant des années, voire des décennies comme c’est le cas des volcans Nyiragongo (est de la R.D.C) et Kīlauea (Hawaii, Etats-Unis), leur dynamique peut être un indicateur du changement de pression dans le système de conduits volcaniques. Cela nous permet d'obtenir des informations précieuses sur les processus magmatiques et volcaniques qui contrôlent l'activité éruptive.

Dans le projet VERSUS, des chercheurs du Musée royal de l’Afrique centrale (Belgique), de l’Institut royal d’Aéronomie Spatiale (Belgique), du centre européen de géodynamique et de séismologie (G.D. de Luxembourg) et du service d’études géologiques (Etats-Unis) ont étudié les volcans Nyiragongo et Kīlauea grâce aux données satellitaires et à des mesures effectuées au sol. Le but était de mieux appréhender les variations de niveaux des lacs de lave et de lier celles-ci aux risques d’éruptions dangereuses en provenance des flancs des volcans.

Les résultats du projet ont montré que des chutes substantielles du niveau des lacs de lave (de parfois plusieurs dizaines de mètres) peuvent être liées à des mouvements de magma souterrains. Cela nous apprend que, même si les lacs de lave permettent de diminuer la pression dans un volcan en permettant au gaz de s’échapper du système, des intrusions peuvent se produire dans la croûte.

Séries temporelles du niveau du lac de lave, des émissions de SO2 et de la détection de points chauds au niveau du volcan Nyiragongo, produites grâce à des données de télédétection. Les tracés montrent l’impact de l’éruption de 2021

Séries temporelles du niveau du lac de lave, des émissions de SO2 et de la détection de points chauds au niveau du volcan Nyiragongo, produites grâce à des données de télédétection. Les tracés montrent l’impact de l’éruption de 2021

Le 22 mai 2021, le Nyiragongo est entré en éruption sans aucune alerte préalable, entrainant une coulée de lave mortelle qui a aussi causé des destructions sur une grande étendue dans la ville de Goma (~1 million d’habitants). Cette éruption par un flanc du volcan fut suivie d’une crise sismique causée par des mouvements de magma à très faible profondeur (<500m) sous la ville de Goma et sous le lac Kivu.

Le projet VERSUS a pu analyser cette éruption en détail et les résultats ont été publiés dans la revue Nature (Smittarello et al., 2022 – open-access). L’étude a démontré que la combinaison d’une réserve de magma proche de la surface et d’une activité continue du lac de lave constitue un défi pour le suivi d’un volcan car les éruptions via les flancs de l’édifice peuvent arriver quelques minutes seulement après l’apparition de signes avant-coureurs. L’intrusion magmatique de faible profondeur qui a suivi l’éruption du Nyiragongo du 22 mai 2021 a aussi révélé le risque d’occurrence de scénarios encore bien plus dangereux comme des coulées de lave dans des zones densément peuplées ou des interactions explosives avec le lac Kivu, très riche en gaz (ce qui est communément appelé éruption phréatomagmatique ou limnique).

Une éruption phréatomagmatique désigne une éruption qui survient lors de la rencontre entre le magma ascendant et de l’eau superficielle (nappe phréatique, cours d’eau, lac).

Une éruption limnique survient lors du dégazage brutal d'un lac méromictique qui relargue les gaz volcaniques émis en continu par un volcan et accumulés durant des années dans les couches profondes du lac.

 

En résumé, le projet VERSUS a mis en évidence le fait qu’il est nécessaire d’étudier de manière plus approfondie les lacs de lave car ceux-ci fournissent une information cruciale sur les processus magmatiques et volcaniques nous permettant finalement de mieux comprendre et monitorer les volcans actifs et dangereux.

Détection de l’activité du lac de lave du Kīlauea par points chauds le 4 septembre 2022. Il s’agit d’une composition colorée en vraie couleur d’une image satellite Sentinel-2 MSI sur laquelle sont superposés les points chauds.

Equipe du projet VERSUS :

Benoît Smets
Royal Museum for Central Africa / Vrije Universiteit Brussel
benoit.smets@africamuseum.be
Nicolas Theys
Royal Belgian Institute for Space Aeronomy
nicolas.theys@aeronomie.be
Nicolas d’Oreye
European Centre for Geodynamics and Seismology / National Museum of Natural History (Luxembourg)
ndo@ecgs.lu

 

Plus d'informations :